Plus précisément :
L'étude de la catégorie de foncteurs F des espaces vectoriels de
dimension finie sur le corps à deux éléments vers tous les espaces
vectoriels fait appel aux techniques de la théorie des représentations
linéaires des groupes (notamment symétriques, et linéaires sur un corps
fini) et de l'algèbre homologique. La conjecture artinienne (formulée
par Lannes et Schwartz) affirme que la catégorie F est localement
noethérienne ; la forme extrêmement forte que j'ai énoncée décrit sa
filtration de Krull.
La motivation initiale pour l'étude de cette catégorie est topologique : les travaux de
Henn, Lannes et Schwartz ont relié la catégorie U des modules instables sur
l'algèbre de Steenrod à la catégorie F. Les travaux de Suslin, Betley et Scorichenko ont donné une autre application fondamentale de cette catégorie, montrant
notamment que les groupes d'extensions entre deux objets finis de F sont
isomorphes aux groupes d'homologie stable du groupe linéaire relativement
au système de coefficients associé.
Pour étudier la catégorie F, j'ai utilisé des foncteurs de division et
introduit les catégories de
foncteurs en grassmanniennes. Ces dernières fournissent un cadre
conjectural très satisfaisant pour comprendre la structure globale
conjecturale de la catégorie F ; diverses méthodes inspirées de la théorie
des représentations permettent d'établir des résultats partiels dans cette
voie.
La conjecture artinienne a été démontrée récemment par S. Sam, avec A. Snowden d'une part (Journal AMS 2017) et d'autre part avec A. Putman (Duke Math. Journal 2017), à l'aide de méthodes inspirées des bases de Gröbner. Le problème de la dimension de Krull (conjecture extrêmement forte) demeure ouvert.
Sur ces sujets, on pourra consulter quelques notes élémentaires d'introduction au domaine destinées aux représentationnistes, la page consacrée à ma thèse de doctorat, mes trois premières publications et mon exposé au séminaire Bourbaki présentant un survol du problème ainsi que les travaux de Sam-Snowden.
Dans ma publication n°14, avec A. Touzé et C. Vespa, nous nous intéressons à la classification des foncteurs simples depuis une petite catégorie additive vers la catégorie des espaces vectoriels de dimension finie sur un corps fixé. Nous donnons des applications à des propriétés de finitude de foncteurs et à la théorie des représentations des groupes ou monoïdes linéaires. Ce travail dégage également la notion de foncteur antipolynomial, étudiée dans ma prépublication n°18, avec Thomas Gaujal.
La notion classique remonte à Eilenberg-Mac Lane (Annals of Math. 1954) et s'étend immédiatement au cas des foncteurs d'une source monoïdale (en général symétrique) dont l'unité est objet nul vers un but abélien. Les motivations, nombreuses, à étudier ces foncteurs sont notamment celles présentées au paragraphe précédent ; d'autres viennent de la théorie des représentations.
Dans ma prépublication n°17, avec A. Touzé, nous étudions des propriétés de finitude (notamment la propriété noethérienne) de foncteurs polynomiaux depuis une catégorie additive vers une catégorie de modules.
Dans un travail avec C. Vespa, nous définissons et étudions les foncteurs polynomiaux depuis une petite catégorie monoïdale symétrique dont l'unité est objet initial vers une catégorie abélienne ; j'en montre également quelques propriétés de finitude (cf. publications n°8 et 9). Un survol en anglais en deux pages de certains de ces résultats et définitions est disponible dans ce rapport d'Oberwolfach. Ma prépublication n°13 donne une motivation importante à l'étude de cette notion.
Une autre question naturelle sur les foncteurs polynomiaux (dans le cas classique, déjà) est la comparaison des groupes d'extensions entre deux foncteurs polynomiaux dans la catégorie des foncteurs polynomiaux de degré fixé et dans la catégorie de tous les foncteurs. Dans le cas d'une catégorie source additive, ma publication n°10, qui prolonge un travail de T. Pirashvili, donne une réponse assez complète. La situation est plus simple avec la catégorie source des groupes libres de rang fini, où les groupes d'extensions sont toujours les mêmes dans les deux catégories, voir ma publication n°11 avec T. Pirashvili et C. Vespa.
Voir la page dédiée à mes publications (n°4, 5, 7, 12 et 13) pour plus de détails. Mes notes de cours à l'école de printemps sur l'homologie des foncteurs d'avril 2012 présentent également une partie de ces résultats. Un survol en anglais en trois pages de ma publication n°4 avec Christine Vespa est disponible dans ce rapport d'Oberwolfach.
Pour une introduction générale au sujet, voir par exemple mes notes d'exposé de groupe de travail. Voir aussi ma publication n°6, avec G. Collinet et J. Griffin, ou le survol en anglais qu'en donnent ces notes d'exposé.
Un article d'O. Randal-Williams et N. Wahl paru en 2017 aux Advances in Mathematics donne un cadre fonctoriel très général (inspiré de ma publication n°4 avec C. Vespa) pour traiter de la stabilité homologique (y compris à coefficients tordus polynomiaux) de familles de groupes discrets.
C'est un rêve, qui semble actuellement hors de portée, que l'homologie des foncteurs puisse contribuer à la détermination de groupes d'homologie de groupes de Lie rendus discrets apparaissant dans les généralisations du troisième problème de Hilbert.
Un autre rêve, peut-être plus accessible, consiste à utiliser l'homologie des foncteurs pour démontrer des résultats de comparaison pour l'homologie stable à coefficients constants de groupes de Lie rendus discrets.